J’avais choisi Phénix comme premier choix et j’étais contente de pouvoir y aller. Nous n’étions que deux étudiants à y aller et ça m’a un peu surprise. Mais d’un coté, ça pouvait se comprendre : c’était la première fois que le centre ouvrait ses portes au CNDP et forcément personne ne pouvait nous renseigner sur cette retraite ! De plus, Phénix est un centre pour toxicomanes, et c’est vrai qu’au premier abord, ce n’est pas toujours « chouette ». Néanmoins, je voulais faire une retraite constructive et pas simplement rester trois jours avec les gens que je côtoie tous les jours. Par chance, une "staff", c’est-à-dire une personne responsable qui travaille dans le centre (ex : psy, assistants sociaux,…) tenait à nous voir un peu avant ces trois jours afin de nous expliquer le fonctionnement de ce centre mais aussi nous expliquer certaines règles de vie de celui-ci.
Le premier jour, il avait beaucoup neigé et je suis arrivée plus d’une heure en retard… je craignais d’arriver comme un cheveux de la soupe, alors que les activités auraient peut-être déjà commencé. Cependant, dès que je suis entrée (l’arrivée des personnes à l’intérieur est toujours marquée d’une sonnerie), un staff est automatiquement venu à ma rencontre et m’a proposé son aide. Il m’a ensuite mené dans leur bureau afin que je puisse y déposer mes affaires en toute sécurité (j’étais plutôt chargée vu que le soir, on retournait à Haugimont pour le repas, le débriefing et le logement). Il m’a ensuite demandé si j’avais préparé un petit discours pour me présenter… Quoi ? Un discours ? Bon. Il m’a emmené au rez-de-chaussée et j’ai pu remarquer avec soulagement que l’autre étudiant (Nathan) était déjà présent. Plusieurs staff l’entouraient ainsi qu’une petite 20aine de personnes. C’étaient les stagiaires, autrement dit, les personnes qui venaient parce que consommation. Ils se sont tour à tour présentés puis un animateur est venu et nous a proposé de rester pour l’activité. Nous avons fait toutes sortes de jeux d’esprit, de mémoire, d’équipe etc. C’était super drôle :p Entre temps, il y avait des poses et certains allaient dehors, jouait au Kickers ou encore (pour mon grand bonheur) buvait du café. Etant donné qu’on nous avait expliqué qu’il était interdit de parler de nous de façon trop personnelle, de ne pas leur demander trop de choses sur les raisons de leur venue et de ne pas parler de consommation, nous ne savions pas trop quoi dire… je ne m’attendais pas non plus à ce que de parfaits inconnus nous fassent la conversation comme de vieux amis ! Mais j’ai toutefois été surprise de l’accueil qu’ils nous ont fait, puisqu’ils s’intéressaient à nous et nous parlaient tout à fait normalement. J’ai même joué (tenté de jouer, en réalité) plusieurs parties de Kikers. Vers midi, tout le monde s’est activé et nous avons mis la table. Les staffs nous avaient bien proposé de venir manger avec eux dans le bureau, mais nous nous sommes dit que la meilleure chose à faire était de rester avec les stagiaires. Après-midi, il y avait plusieurs activités proposées et nous avons joué à des jeux de société puisqu’il ne faisait pas très bon dehors. J’étais déjà plus « relax » qu’en arrivant et petit à petit, les conversations venaient. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais j’ai été un peu surprise par leur incroyable politesse. Non pas que je les prenais pour des bêtes, mais jamais un seul nom d’oiseau ne sortaient, ou alors, bien souvent, ça venait de nous et nous étions automatiquement « remis à l’ordre » si je peux dire. Par après, des staff nous ont expliqué que pour certains, la consommation les rendaient tellement solitaires et démunis qu’ils en oubliaient même les principales règles de vie, du genre « merci, bonjours, au revoir, s’il te plait, etc. ».
Le deuxième jour, nous sommes allés à Namur. En effet, le centre de jour principal est à Jambes, mais les stagiaires doivent d’abord se présenter à Namur, pour formalités si vous voulez. Il n’y avait pas beaucoup d’activité, mais nous en avons profité pour poser toutes les questions que nous voulions aux staffs. Ils nous ont aussi expliqué le fonctionnement administratif du centre, l’étymologie (le Phénix renaît de ses cendres, tout comme les stagiaires « renaissent » après avoir été en cure, si on veut), les différents stades par lesquels ils passent pour devenir totalement indépendant de toute consommation, qui vient dans ce centre, les raisons, etc. Pour plus d’infos concernant les stades, je vous conseille d’aller jeter un coup d’œil sur la pyramide de DE LEON.
Le dernier jour, nous étions de retour à Jambes. La matinée a passé très vite car nous devions, par petites groupes, nous occuper de rangement, de la cuisine etc. Pour ma part, je préparais le dîner avec quelques stagiaires. Comme nous n’étions là que depuis 3 jours, de nouvelles têtes venaient à notre rencontre, se présentaient et nous discutions de tout et de rien. Le 3eme jour a été pour moi le meilleur parce que nous connaissions un peu mieux la maison et les gens qui y venaient et l’ambiance était plus décontractée. Par moment, ça me faisait penser à une grande famille dans le sens ou c’était très convivial. Après ça, on nous a proposé de visionner une cassette montrant des anciens stagiaires jouant une pièce de théâtre sur leur vie en tant que consommateur et ensuite en tant que personne « libre ». Nous ne pouvions pas participer à la réunion avec les stagiaires et les staff parce que ça ne nous regardait pas et c’est pour ça que nous avons regarder ce reportage. Personnellement, je trouvais ça normal puisque nous n’étions là que depuis 3jours. Après midi, il y avait encore des activités. Cette fois-ci, c’était bâtiment, informatique, nettoyage etc. Nous avons choisi bâtiment. Nous avons enfilé une salopette et nous sommes allés ranger la cave, repeindre, aspirer, etc. Ensuite, un stagiaire m’a fait visiter les jardins à thèmes, Malheureusement, ils étaient gelés mais je suis certaines que l’été, ça doit être très beau (et ça demande énormément de travail !). Nous avons aussi nourri les lapins et les poules. Leurs journées sont bien remplies, et en discutant avec des staff, ils m’ont expliqué que toutes ses activités leur permettaient de ne plus penser à la consommation. C’est fou comme de simples choses peuvent faire de grands biens ! Mais ça demande de la patience et du travail, et pour ça, chapeau bas à tous ! En fin de journée, nous avons eu une réunion avec les staff pour exprimer nos sentiments face à ces trois jours, etc. Ces réunions leur permettent de rentrer chez eux le cœur plus léger et je pense que dans un métier comme celui-ci, c’est bien utile.
J’ai adoré cette retraite, même si elle était très éprouvante et fatigante. C’est peut-être tout bête à dire, mais je me suis rendue compte que des problèmes de ce genre, ça pouvait très bien nous arriver à nous, même si on est gentil, pauvre, riche ou méchant. Les gens qui sont dans ce centre sont comme nous tous et ça n’arrive pas qu’à une certaine catégorie de personne. C’est incroyable comme ça peut détruire la vie, et pas seulement la nôtre, celle de notre entourage. Je ne peux pas citer de noms ou quoi que ce soit car avant cette retraite, on nous a fait promettre de garder tout ça dans le secret. Mais c’est vrai que des mots ne touchent pas. C’est une des raisons aussi pour lesquelles j’avais choisi cette retraite. Nous participions à la vie de ces gens qui ont tout perdu, ou presque, à cause de l’alcool ou la drogue. Après ce genre de « séjour », ça donne à réfléchir.
Je ne regrette pas cette retraite, car je voulais que ça soit utile, et c’est plutôt réussi !